Bringue me home
Il y a des moments dans la vie qui peuvent nous frapper en pleine gueule, nous rappelant notre identité profonde telle que perçue dans la société. On a beau se trouver beau, intéressant, marrant, intégré : une agression raciste vous rappellera votre couleur de peau, une insulte homophobe vous renverra violemment à votre sexualité, votre accent ch’ti à votre patrimoine génétique limité.
Etant un homme cisgenre blanc & hétéro de 30 ans, sachez que cette article risque d’être une éloge au racisme de Frédéric Beigbeder.
Car le week-end dernier, j’ai eu mon premier renvoie d’identité à la figure : j’ai fais un micro-festival organisé par des CSP+ Parisiens.
3 jours dedans m’a rappelé à quel point nous étions une minorité : d’après l’INSEE nous ne sommes que 21,8% de la population à être proche du burn-out à être dans une profession de cadre.

Alors pourquoi je ne l’ai tilté que maintenant alors que j’ai déjà vécu ça par 3x ? La logique est finalement assez simple, un mix de sentiments paradoxaux : je ferai tout pour ne jamais finir comme Beigbeder, et j’ai pourtant adoré mon week-end.
Alors pour m’ouvrir le chemin rédempteur vers le Paradis, je dois faire ce que les mauvaises interprétations des livres sacrées nous imposent : m’auto-flageller. Car il ne va s’en dire que même si le listage des religions est strictement interdit en France, je ne risque pas de tomber dans le faux en vous disant que la majorité était Catholique, l’étant moi-même.
Diversité
Il serait quand même d’extrême mauvaise foi de ma part de dire que tout le monde était des cadres sorties d’écoles de Commerce à ce festival. Le spectre était quand même très large : nous pouvions y retrouver des ingénieurs en informatique (qui ont tout plaqué pour faire de la voile), des architectes (qui ont tout plaqué pour faire une Transatlantique), un financier (qui a tout plaqué après avoir lu Bourdieu) et une prof en ZEP (qui n’a rien plaqué du tout, vu qu’elle n’en a pas les moyens).
Cela n’empêche que la première personne à s’être garé sur le parking de fortune l’a fait en driftant avec sa Tesla. Spoiler, ce n’était pas la prof en ZEP.
Alors pour un mec venant de Tourcoing, la population manquait cruellement de couleur. Est-ce que cela a été fait par et pour racisme sous-latent ? Je ne pense vraiment pas. Parce qu’en soit, il n’y a que les racistes qui ont le fameux « pote noir » qui les dédouane des pires horreurs.
Ici, nous n’avions que des personnes fières de leurs actions humanitaires pour construire des écoles en Afrique ou des hôpitaux au Vietnam.
Je n’ai donc pas voulu semer la zizanie en leur disant de googler le terme « Volontourisme » ; ça serait con de créer de la discorde alors qu’ils m’offrent à boire. Il suffit de lancer un sujet qui met tout le monde d’accord : la haine des tote-bags ou celle de Darmanin.
Et leurs engagements sont en général assez purs : festival auto-proclamé vegan, le repas commun avec les lasagnes aux courgettes sans gluten a pu être clôturé avec une incroyable assiette de fromage, ou par une pizza aux peppéronis pour les plus volontaires à la construction.
Le véganisme, c’est pas SI simple OK ?! Comment voulez-vous savoir si des animaux ont été exploités quand vous achetez votre pochon de C ?
What the fuck am I ?
Ne nous leurrons pas, ce genre d’événement n’est pas là pour promouvoir un quelconque engagement militant, mais plutôt, pour les trentenaires Millenials que nous sommes, se donner une excuse pour se retrouver ensemble et réfléchir à ce qu’on est, et l’impact qu’on peut avoir sur les autres.
Il n’existe que peu de chemins quand on naît dans un milieu privilégié : ne pas s’en rendre compte et finir en énorme beauf pleureur « Ouin ouin le féminisme » « Ouin Ouin l’écologisme » « Ouin Ouin l’anti-racisme », ou s’en rendre compte et tout faire pour se déconstruire.
Et quand les pires épreuves que tu as connu dans ta vie c’est « Mon ex m’a largué alors que je l’aimais plus que tout », la définition de « Bourgeois Bohème » est plus proche de l’onanisme artistique que de l’engagement. Et je sais de quoi je parle, j’ai littéralement commencé ce blog parce que je me suis fait larguer.
J’aurai certainement eu bien plus de choses à raconter si j’étais victime d’inceste. « Malheureusement », je ne suis qu’un fils de Bourgeois, blanc, hétéro. Quand des classes sociales entières jouent au loto pour sortir de leur condition, nous, nous avons gagné dès notre naissance.
Conclusion
Le but de ce billet n’est pas de défoncer des gens avec qui j’ai eu un moment incroyable pendant 3 jours. Mais ce blog me servant de boîte à souvenirs, je ne voyais pas trop l’intérêt de me masturber en écrivant à quel point nous étions des gens géniaux. Avec mon égo, il suffit que je passe devant un miroir pour m’en rappeler à chaque fois.
Cet article est pour mon moi de 50 ans, pour que jamais, OH GRAND JAMAIS, dise avec le plus grand sérieux du monde : « Critiquer le mâle blanc hétéro de plus de 50 ans, c’est être raciste quatre fois »
Si jamais ça arrive, obligez moi à lire « L’Homme qui pleure de rire » et son passage « L’appellation nous allait bien, à nous qui ne parlions que de caca, de pipi, de vomi, de cul, de bites, de chattes, d’alcool et d’herbes, tout en ayant des parents membres du CAC 40. Pour être franc, je dois confesser qu’à cinquante ans passés, je m’ennuie vite quand il n’est pas question de ces sujets »
Par pitié, faites tout pour que je ne finisse jamais comme lui.
Kori